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Lune Noire, typographie du film "Traîné sur le bitume" (Dragged across Concrete) de S. Craig Zahler
Lune Noire, image du film "Traîné sur le bitume" (Dragged across Concrete) de S. Craig Zahler
DIMANCHE 6 MARS 2022 — 20H00 — CINÉMA UTOPIA

5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7 euros ou ticket d’abonnement Utopia

TRAÎNÉ SUR LE BITUME

Dragged across Concrete
S. Craig Zahler
États-Unis – Canada / 2018 / couleur / 2h39 / VOSTFR

Scénario, musique et réalisation de S. Craig Zahler
Avec Mel Gibson, Vince Vaughn, Tory Kittles, Michael Jai White, Jennifer Carpenter, Laurie Holden, Udo Kier, Thomas Kretschmann, Don Johnson…

Inédit en salle

Tout juste sorti de prison, Henry Johns revient chez lui pour découvrir que sa mère, endettée jusqu’au cou, doit se prostituer pour subvenir aux besoins de son plus jeune fils handicapé. En parallèle, deux inspecteurs de police chevronnés sont mis à pied suite à l’interpellation brutale d’un suspect qu’un anonyme a filmée et diffusée sur internet. Mis sur la piste d’un trafic de stupéfiants auquel Henry a accepté de participer, ils décident de se mettre à leur propre compte pour doubler les truands et ramasser le pactole…

Après le western horrifique BONE TOMAHAWK (2015) et le thriller carcéral SECTION 99 (BRAWL IN CELL BLOCK 99, 2017), S. Craig Zahler confirme avec ce formidable TRAÎNE SUR LE BITUME sa position de favori dans le cinéma américain contemporain. Mais ici, américain n’équivaut pas à Hollywoodien, ou bien vraiment à sa marge. Un rapide coup d’œil au choix de ses acteurs – Kurt Russell dans son premier long-métrage et Mel Gibson présentement, deux énormes stars devenues infréquentables suite à des prises de position controversées – suffit déjà à percevoir le peu d’intérêt que Zahler porte à la bienséance et au politiquement correct. Et la vision de ses films enfonce le clou de son indépendance plus à la massue qu’au marteau : languides et secs, tirés au cordeau, ils jouent sur une attente proprement infernale avant un point de rupture aussi inévitable que libérateur. Loin, très loin des canons de plus en plus formatés du cinéma dominant made in USA. Adepte de la combustion lente, Zahler atteint avec ce troisième long-métrage un point d’incandescence ultime et propose une expérience en tous points singulière et jouissive, renouant avec un certain cinéma des années 70-80 dans la veine abrasive et amorale des polars de Michael Mann (THIEF, MANHUNTER) et William Friedkin (TO LIVE AND DIE IN L.A.), tout en élaborant un style éminemment personnel et d’une grande efficacité.
Le duo composé par Vince Vaughn et Mel Gibson – dans un de ses meilleurs rôles en flic bougon et opiniâtre – ne doit surtout pas cacher l’implacable partition chorale jouée par une galerie de personnages parfois furtifs mais qui marquent le récit d’une empreinte absurde ou tragique. Aucun manichéisme ici : pas de bons, pas de méchants, chacun se débat dans l’immense zone grise de l’existence où il serait illusoire d’attendre du sens ou de la justice. Dans un tel climat de tension, de désespoir et d’affirmation virile de la violence, ce sont paradoxalement les liens affectifs qui motivent les choix extrêmes auxquels les multiples protagonistes doivent se plier. L’amour inconditionnel pour un proche transparaît dans tous les interstices d’une toile de fond résolument sombre, chacun portant la croix de ses espérances, aspirant à un bonheur et à une dignité que la société lui refuse.
Déjà rompu en tant qu’écrivain (il est l’auteur de plusieurs romans parus en France chez Gallmeister) à l’art de brosser avec un sens maniaque du détail des individus tiraillés par leurs désirs et leurs contradictions, Zahler excelle ici à déployer sur un ton parfois désinvolte des situations inextricables, capables de susciter autant le rire que l’effroi.
Ainsi, nourri par l’humanité de personnages prêts à tout pour s’en sortir, le suspense complexe de TRAINÉ SUR LE BITUME se dérobe pour mieux nous saisir dans ses surgissements sauvages.

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