5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7 euros ou ticket d’abonnement Utopia
Mick Jackson
GB / 1984 / couleur / 1h50 / VOSTFR
Scénario de Barry Hines
Avec Karen Meagher, Reece Dinsdale, David Brierly, Rita May…
British Academy Film Awards, 1985 : multiples récompenses (adaptation, cameraman, montage, décor).
Inédit en France
1984. À Sheffield, cité sidérurgique du Nord de l’Angleterre, la routine des habitants, entre problèmes et petits bonheurs du quotidien, est ponctuée par les flashs d’information qui relatent les tensions à la frontière iranienne entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. Jusqu’à l’escalade inévitable, menant à l’inconcevable : un assaut nucléaire est déclenché, dévastant les villes du Royaume-Uni. La panique est totale, les fondements de la société s’effondrent. Une lutte acharnée pour la survie commence dans les décombres d’un monde irradié pour les siècles à venir.
Dans notre texte de présentation de LETTRES D’UN HOMME MORT, film post-apocalyptique du cinéaste Ukrainien Konstantin Lopouchanski programmé au Cinéma Utopia en mars 2018 dans le cadre de Lune Noire, nous citions le magistral ouvrage de W.G. Sebald, De la destruction comme élément de l’histoire naturelle, dans lequel l’écrivain évoquait les raids massifs sur les populations civiles à la fin de la Seconde Guerre Mondiale et l’anéantissement d’Hiroshima et de Nagasaki, rappelant le principe fondamental de toute guerre : l’annihilation aussi complète que possible de l’ennemi, de ses habitations, de son histoire et de son environnement naturel. À l’heure de « l’opération spéciale » en Ukraine, succédant à la guerre fratricide en Syrie, ce constat glaçant est de nouveau à l’œuvre.
Le cinéma s’est depuis longtemps largement inspiré des conséquences d’un conflit mondial, bien souvent pour faire du cataclysme un pur spectacle pyrotechnique d’où émerge l’éternelle figure du héros patriote. Mais rarement œuvre de fiction aura atteint un réel degré d’épouvante dans la description méthodique d’une destruction si totale qu’elle bouleverse l’entendement. THREADS appartient à cette famille de films dont la vision laisse une trace durable, sinon permanente, dans la conscience du spectateur. Car il s’agit bien pour Mick Jackson et l’écrivain et scénariste Barry Hines d’alerter l’opinion publique et les politiques sur les risques irréversibles d’un conflit nucléaire en pleine résurgence de la guerre froide entre les États-Unis et l’Union Soviétique d’alors. Produit par la BBC avec un budget conséquent et diffusé en 1984 et 1985 à une heure de grande écoute, le programme eut un impact médiatique considérable par le réalisme de ses descriptions. Contemporain du téléfilm américain LE JOUR D’APRÈS de Nicholas Meyer qui connut par son exploitation en salle un succès international, THREADS n’a pas connu les déboires de LA BOMBE (THE WAR GAME) de Peter Watkins, également produit par la BBC en 1965 mais privé d’antenne car jugé trop… alarmiste. Il en partage pourtant une certaine tonalité documentaire qui est un trait caractéristique du cinéma britannique de fiction. En effet, en tant qu’écrivain et collaborateur régulier de Ken Loach, Barry Hines est d’abord un sociologue de la classe ouvrière, et il confère à chacun des protagonistes de THREADS une profondeur psychologique dans un contexte social donné; ensuite, le générique déroule une liste impressionnante de spécialistes, scientifiques et médecins, qui ont contribué à établir le tableau le plus véridique, sinon le plus cru, sur les effets concrets de l’explosion d’une bombe atomique sur une population civile et des ravages à long terme provoqués par les radiations : la prédiction d’un long « hiver nucléaire ».
Lors d’un débat télévisé suivant une diffusion du JOUR D’APRÈS, l’astronome Carl Sagan (également consultant technique sur THREADS) compara la course aux armements à « deux hommes se faisant face avec de l’essence jusqu’à la taille, l’un avec 3 allumettes et l’autre avec 5 ».
Sous ses allures de film d’anticipation apocalyptique, THREADS nous rappelle avec gravité que face à la folie des belligérants et à un possible cataclysme nucléaire, il ne peut y avoir ni vainqueur, ni héros, ni même de survivant, mais juste un champ infini de ruines signant la fin de la civilisation telle que nous la connaissons.
Post-scriptum :
Devenu une œuvre de référence (« culte » comme on dit) en Grande-Bretagne où les diverses éditions en VHS ont fait pendant des années l’objet d’âpres négociations avant que la BBC ne restaure et réédite le film récemment, THREADS est un film rare et peu connu outre-Manche. Logique : en tant que production télévisuelle, comme un nombre considérable de réalisations qui restent à découvrir, il n’a jamais été diffusé hors de son pays d’origine et n’a circulé que dans des cercles cinéphiles restreints, contrairement au JOUR D’APRÈS qui a connu une exploitation internationale en salles. La version sous-titrée en français que vous verrez à Bordeaux est le fruit du travail collectif et « clandestin » de fans qui tiennent le film en haute estime et en permettent désormais ainsi un accès plus large à un public non-anglophone.
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