5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7 euros ou ticket d’abonnement Utopia
Robert Altman
Irlande – États-Unis / 1972 / couleur / 1h41 / VOSTF
Scénario original : Robert Altman et extraits du livre de Susannah York, In Search of Unicorns.
Musique : John Williams et Stomu Yamash’ta
Avec Susannah York, René Auberjonois, Marcel Bozzuffi, Hugh Millais, Cathryn Harrison, John Morley…
Prix d’interprétation pour Susannah York, Cannes, 1972
Cathryn, une auteure de livres pour enfants, victime de harcèlement téléphonique et de soudaines hallucinations, convainc son époux de quitter un temps la ville pour une cure de repos dans leur maison de la campagne irlandaise. Malgré le cadre idyllique, les visions qui assaillent Cathryn au quotidien deviennent plus fréquentes et obsédantes, et la frontière entre réalité et fantasme s’effondre.
En 1971, après le succès critique et commercial de M*A*S*H et un western atypique, MCCABE & MRS. MILLER, Robert Altman décide de s’éloigner des studios hollywoodiens et d’autofinancer une escapade dans le comté de Wicklow en Irlande, avec un budget modeste et une petite équipe de collaborateurs fidèles. Il emporte avec lui un scénario original écrit à la fin des années 60 et que la réalisation de THAT COLD DAY IN THE PARK (1969), sa première œuvre véritablement personnelle, avait mis entre parenthèses. IMAGES en partage le caractère introspectif, illustrant l’intérêt d’Altman pour les figures féminines névrosées, se traduisant clairement ici en terme de schizophrénie et d’hystérie sexuelle. Ces deux films « intérieurs », auxquels on peut rattacher TROIS FEMMES (1976), reflètent une certaine influence du cinéma européen comme territoire de recherche formelle (notamment Ingmar Bergman et la découverte de PERSONA), quand l’ensemble de l’éclectique filmographie d’Altman est essentiellement ancrée dans l’histoire et les mœurs américaines.
Réfutant l’appartenance à un genre quelconque, Altman offre une vision très personnelle sur le thème du dérèglement psychique et de la double personnalité. Nulle description clinique distanciée ou de performance outrancière censée illustrer sur le mode de l’épouvante la descente vertigineuse dans les profondeurs infernales de l’inconscient de son personnage. De façon plus intime, et troublante, une sourde intranquilité nait à travers les propres yeux de Cathryn, en un incessant va-et-vient entre le monde environnant et le monde intérieur, réglant IMAGES au rythme de la lente montée d’un délire solidement ancré dans le quotidien. Le titre même du film renvoie à la dimension imaginaire qui relie les séquences entre elles, aux projections mentales qui se matérialisent dans l’espace physique de sa protagoniste.
Le sujet offre au réalisateur l’occasion de construire son récit sur la base d’un vocabulaire visuel qu’on lui reconnait, recourant aux longues focales et à l’usage fréquent du zoom, produisant des effets de matière à même de rendre inquiétants les éléments rassurants d’un décor familier. La photo démentiellement précise de Vilmos Zsigmond, par ailleurs remarquable paysagiste, contribue à ce sentiment d’étrangeté, disposant sciemment devant nous des objets comme des clés ouvrant différents niveaux de lecture. De même, le décor de Leon Ericksen, prolongeant la tradition gothique qui conçoit l’architecture comme l’expression de l’état psychique de son propriétaire, joue sur de multiples reflets, scintillements tintinnabulant et mirages renvoyés par les miroirs omniprésents, points de fuite vers un autre univers hanté par la partition musicale particulièrement tendue de John Williams, participant du sentiment de glissement de la perception.
IMAGES ne saurait cependant être réduit à des stridences et des jeux optiques censés restituer une discordance vis-à-vis du réel, en une sorte de rêve abstrait. Il a l’ambition, accomplie, de pénétrer le kaléidoscope mental d’un unique personnage qui peut-être, est tous les personnages, oscillant constamment entre présent et passé, entre fantasme et réalité, entre la fiction et le factuel (Susannah York est véritablement l’auteure du conte dont le personnage déroule de longs extraits dans le film). IMAGES s’évertue à brouiller tous nos repères.
Méconnu et injustement sous-estimé, ce portrait d’une schizophrène partagée entre le merveilleux de l’enfance et une fièvre sexuelle inassouvie est un puzzle complexe et fascinant.
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