5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7 euros ou ticket d’abonnement Utopia
Dead Ringers
David Cronenberg
États-Unis – Canada / 1988 / couleur / 1h55 / VOSTF
Scénario : David Cronenberg et Norman Snider,
d’après le roman Twins, de Bari Wood & Jack Geasland
Musique : Howard Shore
Avec Jeremy Irons, Geneviève Bujold, Heidi von Palleske, Barbara Gordon…
Grand Prix du Festival du film fantastique d’Avoriaz, 1989
Projection 35mm
Elliot et Beverly Mantle, jumeaux inséparables depuis l’enfance et devenus gynécologues de renommée mondiale vivent en parfaite symbiose jusqu’au jour où Claire Niveau, une actrice névrosée et obsédée par son désir d’enfant, vient les consulter pour soigner sa stérilité. Lorsqu’ils découvrent qu’elle a trois utérus, l’harmonie entre les deux frères se brise…
Un peu d’histoire : en 1988, lorsqu’il réalise FAUX SEMBLANTS, David Cronenberg est au sommet de sa carrière horrifique. Ayant débuté dans son canada natal au mitan des années 70 avec des séries-B gore à petit budget déjà travaillées par un rapport au corps et à la sexualité inquiet et personnel (FRISSONS, RAGE…), il opère à la fin de cette décennie et au début de la suivante un glissement vers des récits où le fantastique et l’horreur explicite métaphorisent de manière très graphique des problématiques universelles et intimes (divorce douloureux dans CHROMOSOME 3, couple soumis à l’épreuve de la maladie dans LA MOUCHE…), souvent au travers de récits où la mutation tient un rôle central. Intellectuel et physique, réflexif et viscéral à la fois, son cinéma s’est révélé obsédé par le motif du « monstre », mais un monstre dont la source est invariablement humaine et dont la métamorphose se révèle inévitable dès lors que le corps de ses protagonistes se trouve incapable de contenir leurs débordements psychiques. Malgré la réflexion brillante tapie derrière ses films et une carrière en ascension constante, Cronenberg reste pourtant toujours, aux yeux de la critique et du grand public, un sympathique faiseur de films d’horreur, l’équivalent alors d’un sous-cinéaste, à l’image de John Carpenter et George Romero dont on le rapproche constamment.
Qu’il s’agisse d’un calcul ou d’une évolution naturelle de son cinéma, le choix de débarrasser presque intégralement FAUX SEMBLANTS de toute image gore le fera instantanément accéder au rang de cinéaste enfin respectable, sans pour autant rien enlever à ses films de leur charge profondément perturbante… et « monstrueuse ».
Car c’est bien toujours d’un monstre dont il est question dans FAUX SEMBLANTS, mais un monstre invisible cette fois : le lien unissant les jumeaux Mantle, êtres distincts et pourtant indissociables, dont l’unité ne saurait être brisée qu’au prix d’un effondrement total. Par une étrange ironie, cette créature hydrocéphale et schizophrénique est peut-être la plus belle création fantastique de Cronenberg, qui se verra décerner le Grand Prix du Festival Fantastique d’Avoriaz avant d’accéder pour ses films suivants au tapis rouges de Cannes, Berlin ou Venise.
Magnifiquement interprété par un Jeremy Irons époustouflant dans ce double-rôle rendu plus complexe encore par la contrainte technique (les jumeaux sont presque de tous les plans), photographié de main de maître par Peter Suschitzky dont l’image renforce la froideur clinique du regard de Cronenberg, FAUX SEMBLANTS est une expérience dérangeante, maladive presque, dont on ne ressort pas indemne.
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