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Lune Noire, typographie du film LE DÉMON DES ARMES (Gun Crazy) de Joseph H. Lewis
Lune Noire, image du film LE DÉMON DES ARMES (Gun Crazy) de Joseph H. Lewis
DIMANCHE 9 SEPTEMBRE 2018 — 20H45 — CINÉMA UTOPIA

5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7 euros ou ticket d’abonnement Utopia

LE DÉMON DES ARMES

Gun Crazy
Joseph H. Lewis
USA / 1950 / couleur / 1h27 / VOSTF restaurée

Avec Peggy Cummins, John Dall, Berry Krœger, Morris Carnovsky…

Projection numérique

Depuis son plus jeune âge, Bart Tare éprouve une passion pour les armes à feu. Adolescent, loin d’être un criminel en puissance, il a commis un larcin qui l’a conduit en maison de redressement, avant de servir dans l’armée. De retour dans sa petite ville natale, lors d’une fête foraine, il rencontre Anne Laurie Starr, vedette d’une attraction et virtuose de la gâchette, tout comme lui. Coup de foudre. Ils s’associent un temps sous le chapiteau, avant de quitter le cirque et son directeur jaloux, et se marient. En quête d’argent et d’une vie facile, les amants décident d’exploiter leurs talents de tireurs et commettent une série de braquages de plus en plus audacieux à travers le pays.

Une image emblématique, devenue iconique, surgit à l’évocation de GUN CRAZY, titre sous lequel le film est le plus connu. Le couple, en impers et lunettes noires, se précipite dans la rue après un hold-up. L’homme agrippe sa compagne pour l’empêcher de tirer, frénétique, sur les passants. Elle, c’est Peggy Cummins, actrice d’origine irlandaise dont la garde-robe inspirera Faye Dunaway dans BONNIE & CLYDE d’Arthur Penn, et qui campe ici une femme sensuelle et ardente. Déterminée à rendre les coups qu’elle a reçu dans la vie et d’accéder au bien-être matériel en se servant de ces armes dont la société fait l’apologie, son masque de vulnérabilité se craquelle rapidement pour laisser exploser ses tendances homicides.
Lui, c’est John Dall, révélé en tueur ambigu dans LA CORDE d’Hitchcock, incarnant ici un homme au tempérament jovial et tiraillé par le sentiment de culpabilité, que la passion charnelle et l’amour fétichiste des flingues entrainent dans une spirale de violence. Traqués par la police, malgré leur antagonisme, les amants sont impuissants à se séparer, voués à mêler leur destin, irrémédiablement.

L’année 1950 fut un bon millésime pour le film noir : THE ASPHALT JUNGLE de John Huston, LE VIOLENT de Nicholas Ray, tous deux avec Bogart, PANIQUE DANS LA RUE d’Elia Kazan, HOUSE BY THE RIVER de Fritz Lang ou encore BOULEVARD DU CRÉPUSCULE de Billy Wilder… Face à la concurrence des productions des grands studios, pâtissant d’une distribution confidentielle, GUN CRAZY ne trouva pas son public à l’époque et une seconde exploitation sous le titre de DEADLY IS THE FEMALE ne le sauva pas. Il n’en est pas moins devenu un classique du genre, redécouvert et célébré par une nouvelle génération de critiques et de cinéastes, de Godard, qui en fait la matrice d’À BOUT DE SOUFFLE, au Scorcese de BERTHA BOXCAR.

Produit par les frères King, trois anciens membres de la pègre rangés des machines à sous et reconvertis dans de modestes mais rentables films de gangsters, GUN CRAZY cumule les intuitions de génie. C’est d’abord le scénario d’un romancier extrêmement populaire à l’époque, MacKinlay Kantor, que remanie Dalton Trumbo, célèbre pour son roman JOHNNY S’EN VA-T-EN GUERRE et un des scénaristes les mieux payés d’Hollywood dans les années 40. Mais après-guerre, Trumbo, victime de la purge anti-communiste, figure sur la liste noire des studios et ne peut travailler à visage découvert. Embauché à vil prix par les pragmatiques King Bros, ce dont il leur sera reconnaissant, c’est Millard Kaufman qui lui sert de prête-nom au générique.
Le réalisateur Joseph H. Lewis, un habitué des petits budgets qui a donné ses lettres de noblesse à la série B, excellant particulièrement dans le film noir, est épaulé par le fameux directeur de la photographie Russell Harlan. Le fruit de leur collaboration est un film nuancé d’une grande beauté plastique, visuellement complexe, alternant le réalisme quasi documentaire des scènes d’extérieur au caractère onirique des séquences tournées en décor artificiel. Le long plan-séquence du hold-up de la banque de Montrose, embarquant littéralement le spectateur dans la voiture des deux braqueurs improvisant au gré de la situation, est un moment d’anthologie qui a été abondamment commenté.

De par la frénésie de la mise en scène et le romantisme torride de ses héros maudits, GUN CRAZY est un grand film d’action, et avant tout, un grand film d’amour fou.

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