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Lune Noire, typographie du film HENRY, PORTRAIT D'UN TUEUR EN SÉRIE (Henry, Portrait of a Serial Killer) de John McNaughton
Lune Noire, image du film HENRY, PORTRAIT D'UN TUEUR EN SÉRIE (Henry, Portrait of a Serial Killer) de John McNaughton
DIMANCHE 15 AVRIL 2018 — 20H45 — CINÉMA UTOPIA

5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 6,50 euros ou ticket d’abonnement Utopia

HENRY, PORTRAIT D’UN TUEUR EN SÉRIE

Henry, Portrait of a Serial Killer
John McNaughton
États-Unis / 1986 / couleur / 1h23 / VOSTF

Avec Avec Michael Rooker, Tom Towles, Tracy Arnold.

Projection numérique
Interdit aux moins de 16 ans

Séance en partenariat avec Junkpage et présentée par Marc Bertin, rédacteur en chef.

Au fond, qu’est-ce qui dérange encore le spectateur ? Quels films peuvent s’enorgueillir de sentir le soufre ? Quelles sont les œuvres promises à un éternel purgatoire ? Que l’on se place dans le registre du cinéma d’exploitation ou bien celui plus « noble » de l’art et essai, peu de propositions suscitent, malgré le filtre du temps, aussi bien l’effroi que le rejet. Toutefois, le cinéma doit-il se concevoir d’un point de vue aimable ?
À ce titre, Henry, Portrait of a Serial Killer de John McNaughton peut légitimement cocher toutes les cases d’un long métrage maudit pour la postérité.
Tout commence en 1984. Un duo de « producteurs » — Malik B. Ali et Waleed B. Ali — engage un illustre inconnu, livreur de son état dans leur petite affaire de vidéo. Du jour au lendemain, le voici réalisateur d’un documentaire consacré à l’un des mythes fondateurs de leur ville natale (Chicago, Illinois) : le crime organisé. Résultat : Dealers in Death, plongée dans le gangstérisme des années 1930, au modeste succès mais à l’accueil critique bienveillant.
Sur la foi de cet encourageant début, l’équipe met en chantier un nouveau projet consacré cette fois-ci au catch dans les années 1950. Hélas, la promesse d’un important stock de films d’époque pour alimenter l’entreprise tourne court ; la somme exigée pour l’utilisation de ces bandes ayant entretemps doublé. Peu importe, la fratrie Ali octroie royalement un budget de 110 000 $ à McNaughton pour signer un film d’horreur ultra-sanguinolent.
Par le plus grand des hasards, ce dernier tombe sur l’émission télévisée 20/20, sur ABC, dressant le portrait du tueur en série Henry Lee Lucas (360 meurtres avoués, 199 confirmés !). C’est le déclic. Avec son scénariste, Richard Fire, il accumule des notes, se plonge dans la littérature spécialisée sans toutefois vouloir adapter la vie du sinistre modèle.
Après un tournage façon contrebandier Nouvelle Vague (16 mm et 28 jours) avec un casting inexpérimenté — Michael Rooker, Tom Towles (aperçu toutefois dans Une après-midi de chien) et Tracy Arnold —, l’équipe éprouve les plus grandes difficultés à trouver un distributeur. Présenté à la toute puissante MPAA, afin d’obtenir sa nécessaire classification en salles, le film reçoit un « X » au motif d’un « contenu moralement perturbant ». Le couperet est tombé, nonobstant une première remarquée au Chicago International Festival, en 1986, des critiques enthousiastes (ou révulsées) et l’appui inconditionnel d’un certain Martin Scorsese…
Portrait quasi-documentaire du quotidien indigent de deux anciens taulards, passant le plus clair de leur temps à boire des bières en regardant la télévision dans un appartement miteux, à peine perturbé par l’arrivée de la jeune sœur d’un des deux ayant quitté son mari, Henry, Portrait of a Serial Killer est anti-spectaculaire alors que son personnage principal multiplie sans ciller les crimes.
Henry est beau comme le jeune Brando, affable, courtois, posé, anonyme dans la ville. Sa possible motivation (l’assassinat de sa mère qui aurait abusé de lui durant son enfance) n’explique rien. Henry est un bloc, résumant son attitude d’un laconique « them or us ».
Sans début ni fin, sans explication, sans mobile apparent, sans regard moral, sans distance ni concession, Henry, Portrait of a Serial Killer constitue une expérience frontale, crue, dénuée d’ironie, de cynisme ou de cruauté. Voilà une exploration hyperréaliste dans ce qu’une âme révèle de plus noir. 30 ans plus tard, on comprend mieux pourquoi ce miroir effroyable nous dérange tant.

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