DIMANCHE 14 JANVIER 2024 — 20H15 — CINÉMA UTOPIA
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 8 euros ou ticket d’abonnement Utopia
A Boy AND HIS DOG
L. Q. Jones
États-Unis / 1975 / couleur / 1h30 / VOSTF
Scénario de L. Q. Jones d’après la nouvelle de Harlan Ellison, A Boy And His Dog
Avec Don Johnson, Jason Robards, Susanne Benton et le chien Tiger
2024 : sept ans après la Quatrième Guerre Mondiale qui a dévasté la planète, des groupes de survivants errent dans les ruines de la civilisation, luttant pour la nourriture, l’eau, les armes et le carburant. Dans ce monde retourné à la barbarie, où les femmes ont presque toutes disparues, le jeune et impulsif Vic, accompagné de Blood, chien télépathe bien plus réfléchi que son « maitre », vivent au jour le jour sur une terre transformée en désert. La rencontre avec une jeune fille, démasquée sous ses habits d’homme, va révéler l’existence d’une communauté souterraine où elle va entrainer Vic. Ce monde utopique mais sans soleil va bien vite montrer son vrai visage.
2024 : nous y voilà donc. Vous aviez échappé il y a cinq ans à la programmation dans le cadre de Lune Noire de 2019 APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK, l’ineffable post-apo de Sergio Martino, mais il aurait été dommage de passer à côté du seul et unique film réalisé par L. Q. Jones qu’on peut placer très haut dans le genre, quoique le futur qu’il dépeint soit encore heureusement assez éloigné de notre présent (l’année ne fait que commencer).
Si on peut considérer SOLEIL VERT comme le précurseur de la vague de films catastrophe qui ont essaimé dans les années 70, APOCALYPSE 2024 est assurément le film d’anticipation qui va imposer les codes du genre post-apocalyptique au cinéma, annonçant MAD MAX II et sa nombreuse descendance. Il s’inscrit dans cette tendance d’œuvres futuristes pessimistes, délaissant l’environnement technologique de la conquête spatiale pour un retour sur terre où plane la menace nucléaire et ses conséquences inimaginables, et où les cataclysmes écologiques sont déjà une réalité.
L.Q. Jones, qui fut acteur pour Sam Peckinpah, a de toute évidence retenu les leçons de son ami réalisateur dans la façon de décrire une humanité cynique et violente, mêlant ici l’esthétique du western nihiliste à une vision dégradée du futur. Le générique donne d’emblée le ton : le problème du logement est définitivement réglé. On retrouvera cette forme d’humour noir tout au long du film, jusqu’à son surprenant final.
Son héros peu futé, incarné par un tout jeune Don Johnson (popularisé par la série MIAMI VICE), semble animé exclusivement par sa libido, étant perpétuellement en quête d’un « coup », les femmes étant devenues une ressource convoitée au même titre que la nourriture.
Son compagnon, le chien Blood, par la voix de Tim McIntire (également compositeur de la musique du film), use d’un ton arrogant et intellectuel, raillant la médiocre humanité et exprimant ouvertement sa misogynie. Les deux compères, à la morale opposée mais tout aussi méprisable, dépendant l’un de l’autre dans la compétition pour la survie quotidienne. Bandes de vagabonds et mutants « hurleurs » sont une menace constante que Blood esquive grâce à son pouvoir télépathique, qui lui permet également de « renifler » toute présence féminine.
Dans ce paysage dépouillé, vaste terrain vague, surgissent quelques baraques faites de tôle et de pneus où une humanité en haillons cherche à se distraire auprès d’une unique prostituée ou dans un cinéma cradingue, moyennant une conserve alimentaire, devant des bouts de films tout aussi laminés.
Ce spectacle pourrait sembler désespérant si le film n’empruntait un ton satirique à la manière d’un conte initiatique, jusque dans le « monde d’en dessous » où Vic est entrainé. Topeka est une relique du « monde d’avant », une communauté de taupes (littéralement) fondamentalistes qui ont reconstitué une sorte de rêve américain, ce qu’Henry Miller qualifiait de « cauchemar climatisé ». Cette utopie contre la barbarie du « monde d’en haut » dévoilera l’assujettissement et la répression qu’il est nécessaire d’appliquer pour créer artificiellement un monde idéal, et surtout parfaitement grotesque.
APOCALYPSE 2024 nous dit qu’il serait naïf de penser que les héros existent encore dans un monde dévasté, où chacun ne pense qu’à sa propre survie. La bonté a disparu. L’avenir s’annonce particulièrement sombre. Mais il est réconfortant de savoir que même après l’apocalypse, le chien restera toujours le meilleur ami de l’homme.
— Bertrand Grimault
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