DIMANCHE 11 FÉVRIER 2024 — 20H — CINÉMA UTOPIA
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 8 euros ou ticket d’abonnement Utopia
THE ULTIMATE CUT
Photographie principale de Tinto Brass
USA-Italie / 2023 / couleur / 2h56 / VOSTF
Adapté du scénario original de Gore Vidal
Avec Malcolm McDowell, Helen Mirren, Peter O’Toole, John Gielgud, Teresa Ann Savoy, John Steiner…
Nouvelle version inédite 4K
Pour public averti
La Rome païenne, en l’an 37 de notre ère. Caius Caesar Germanicus, dit Caligula, devient à 25 ans le troisième empereur romain, succédant à son grand-oncle, l’impopulaire Tibère. Le jeune empereur, après quelques mois de concorde, va se révéler un despote mégalomane, capricieux et cruel, éliminant ses proches comme ses adversaires. Celui qui se proclame être un dieu vit dans la démesure, se plaisant à rêver que le peuple ne soit qu’une seule tête à trancher…
« Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent ». L’Histoire a retenu de Caligula la légende noire d’un tyran débauché et sanguinaire. Son très bref règne de trois ans et dix mois aura par ses excès marqué le monde antique et alimenté nombre de fantasmes jusqu’à nos jours. On doit à Suétone le portrait d’un être vil aux mœurs dégénérés. Son désir d’en finir avec le Sénat et les institutions de la République lui avait attiré la haine des élites. Son anarchisme ne pouvait être que l’expression d’un fou, symbole à lui seul de la décadence romaine. L’histoire du cinéma, elle, a retenu de la superproduction de Bob Guccione, richissime magnat de la presse dite de charme (il est le fondateur de Penthouse), le scandale d’un tournage chaotique et l’effroi provoqué par la découverte en 1979 sur grand écran de ce péplum dantesque.
Grandiose et grandiloquent, GORE VIDAL’S CALIGULA (du nom de son scénariste) se voulait d’emblée un film unique avec son budget de 22 millions de dollars, ses centaines de figurants, de techniciens et d’artisans, sa reconstitution de palais somptueux dans les studios Dear près de Rome, son casting prestigieux, une co-production signée Franco Rossellini, le neveu de Roberto… Si John Huston et Lina Wertmuller furent d’abord pressentis à la mise en scène, c’est Tinto Brass, auteur du déjà sulfureux SALON KITTY, qui fut désigné à la proue de cette gigantesque galère romaine. Pas moins de quatre acteurs issus de la prestigieuse Royal Shakespeare Company cautionnent le projet : le vénérable Sir John Gielgud portant la toge de sénateur ; Peter O’Toole, terrifiant dans le rôle de l’empereur dépravé et syphilitique Tibère ; Helen Mirren, courtisane dénudée et prêtresse d’Isis ; et Malcolm McDowell, sorte de Hamlet punk en sandales encore imprégné d’ORANGE MÉCANIQUE dans le rôle titre. Le maitre-architecte des décors délirants de ce monde antique n’est nul autre que Danilo Donati, ce n’est donc pas un hasard si le fantôme du SATYRICON de Fellini s’invite dans les détails.
Mais cette réunion de talents a accouché d’un film malade à bien des égards, constamment balloté au cours de ses 18 mois de tournage par les divergences de vue et d’esprit. Entre un écrivain-scénariste qui ne put que constater que son désir de cadrer avec la réalité historique n’était nullement partagé par un réalisateur s’évertuant à montrer les effets de la folie impériale et l’immoralité du pouvoir par le grotesque, alors que le producteur se voyait déjà promouvoir LE chef-d’œuvre du X artistique, l’affaire atterrit au tribunal. Pour finir, Bob Guccione récupéra en douce le négatif, livrant un montage de son cru réintégrant ses Penthouse Pets en action et CALIGULA perdit toute réelle paternité, chacun reniant sa participation à ce film maudit.
La redécouverte en 2020 du négatif intégral dans un excellent état de conservation a permis à l’archiviste Thomas Negovan de procéder à un nouveau montage, reprenant le scénario original de Gore Vidal, réintégrant des scènes coupées, se focalisant sur les performances des acteurs et les décors impressionnants de Danilo Donati. Cette version inédite redonne en quelque sorte ses lettres de noblesse à une œuvre mutilée dont nous ne connaissions que l’envers de la médaille.
— Bertrand Grimault
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