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Lune Noire, typographie du film LES RÉVOLTÉS DE L‘AN 2000 (¿Quién puede matar a un niño?) de Narciso Ibañez Serrador
Lune Noire, image du film LES RÉVOLTÉS DE L‘AN 2000 (¿Quién puede matar a un niño?) de Narciso Ibañez Serrador
JEUDI 17 SEPTEMBRE 2020 — 20H45 — CINÉMA UTOPIA

5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7 euros ou ticket d’abonnement Utopia

LES RÉVOLTÉS DE L’AN 2000

¿Quién puede matar a un niño?
Narciso Ibañez Serrador
Espagne / 1976 / coul / 1h52 / vostf

Avec Lewis Fiander, Prunella Ransome, Antonio Iranzo, et les enfants…
Scénario de Luís Peñafiel d’après le roman El juego de los niños de Juan José Plans.

Version intégrale non-censurée.

Séance présentée par Loïc Diaz-Ronda,
co-directeur du Festival Cinespaña de Toulouse et spécialiste du cinéma fantastique ibérique.

Le cinéma fantastique espagnol connait à la fin des années 60 et au début des années 70 une période faste. Dans un pays où n’arrive qu’une faible portion de ce qui se crée mondialement en raison de la censure, l’industrie du cinéma ibérique fournit aux autochtones le frisson des contrefaçons en produisant d’inoffensifs films dits de fantaterror. Loups-garous testostéronés, chevaliers templiers zombies, aristocrates fétichistes fondus de science et vampiresses méridionales rejouent alors parodiquement le bestiaire de la Hammer pour l’Européen de seconde zone… Parallèlement, une poignée d’auteurs, attirés par les débouchés professionnels, créeront une série de films fascinants qui contribueront à redéfinir la notion même de fantastique. Pour Vicente Aranda, Victor Erice, Jordi Grau, Pedro Olea, Carlos Saura ou Gonzalo Suarez le fantastique est une variation fantasmatique du quotidien, dans laquelle rêve et expérience, analyse sociologique et délire temporel, apparitions fantomatiques et refoulé historique se confondent. Les chemins du fantastique espagnol semblent alors se diviser entre le pillage d’une mythologie décadente et un cinéma métaphorique ou codé, situé à la périphérie du genre.

Il y a cependant une exception en la personne de Narciso « Chicho » Ibañez Serrador. Enfant de la balle, acteur précoce, dramaturge et scénariste sous le nom de Luis Peñafiel, réalisateur de télévision, homme d’affaires, aventurier et, pour finir, cinéaste culte auteur de deux uniques long-métrages. Avant tout, Ibañez Serrador est le créateur de Historias para no dormir, série qui impose le fantastique et la science-fiction à la télévision espagnole en 1966-67, et qui marquera l’enfance de toute génération hispanique, parmi lesquels se comptent de futurs cinéastes tels Alex de la Iglesia, Guillermo del Toro ou Jaume Balaguero. Fort de ses prouesses sur le petit écran, Chicho réalise à la fin des années 60 son premier film, La Residencia (1969), un très élégant conte gothique teinté de sadisme et d’une sophistication plus propre au giallo qu’au fantaterror. Malgré le succès très important du film, Chicho ne reviendra derrière la caméra que six ans plus tard pour diriger le mythique Quien puede matar a un niño?, œuvre âpre, apocalyptique et choquante, qui sera son chant du cygne au cinéma. Pourquoi celui qui aurait pu devenir le Polanski, le Romero ou l’Argento ibérique s’éclipsa-t-il ensuite ? Mystère…

Qu’y a-t-il donc de si captivant dans Quien puede matar a un niño ? Un jeune couple anglais en voyage d’été dans le sud de l’Espagne décide de séjourner sur la petite île d’Almanzora. Ils accostent dans un village déserté où ne semblent vivre que des enfants au comportement étrange… Au-delà de cette trame, qui s’inscrit dans une tradition d’œuvres dystopiques sur l’enfance sauvage, c’est le traitement du film qui présente le plus d’originalité. Chicho semble s’amuser à convoquer toutes les règles du genre pour mieux les contrecarrer. Le film est ainsi presqu’entièrement trempé à la lumière écrasante d’un soleil de plomb, parfait antidote aux ombres du cinéma d’horreur. Grâce à un découpage subtil et à des mouvements de caméra amples et immersifs, Ibañez Serrador parvient à distiller une angoisse presqu’insoutenable sans effets tonitruants. Ce qui éloigne le cinéaste de ses compatriotes du cinéma « métaphorique » est son attachement au classicisme du récit, dont il maîtrise parfaitement les ressorts, et qui le place dans le sillage des cinéastes hollywoodiens, Hitchcock en tête. Son approche des enfants, perçus comme une masse mutique toujours plus dense et oppressante, comme un organisme liquide aux mille visages se mouvant à l’unisson, évoque bien entendu Les oiseaux (1963) et contribue grandement à l’efficacité d’un film dont on ne ressort pas indemne. Le monde d’après, semble-t-il dire, ne sera pas nécessairement meilleur puisque l’ange exterminateur pourrait avoir les traits d’un enfant.

— Loïc Diaz-Ronda

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